MON ODET


Voici une carte de l'Odet pour mieux situer les endroits exacts de mes souvenirs.


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Je mets ici quelques photos de 1911 avec mon grand père Yvon, en compagnie de mon père âgé de 3 mois. Je peux situer la date avec la présence à l'arrière plan, de la fête du 15 août sur les allées de Locmaria.

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la photo suivante est prise dans la baie de Kerogan avec mes grands parents et leur fils.

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Notre virée dans l'Odet, partait de la cale devant le Palais de Justice, nous suivons les allées de Locmaria qui conduisent aux faïenceries. En face, à droite, nous dépassons le Cap Horn pour longer le chemin de halage qui nous mène à l'entrée de la baie de Kerogan. Au passage, nous faisons attention de ne pas heurter la barque de Théodore qui, pour quelques pièces fait passer les piétons du Cap Horn à Locmaria ou inversement, de quelques coups de godille. Au 18ème siècle, ce port était un lieu d'échange important pour les céréales, bois, vin, sel. La construction du pont de Poulguinan en 1955 arrêta la remontée des gros bateaux vers Quimper.

Ci-dessous quelques cartes postales anciennes du port de Quimper :

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Sur la gauche, nous dépassons l'Ile aux Rats en face du chateau de Lanniron ancienne résidence des évêques de Quimper.

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Anciennement, à la mi-juillet, sur la petite grêve proche, se déroulait la "Fête des Gueux" et à droite, se situe le port du Corniguel qui abreuve Quimper de son 12° d'Algérie de Chez Nader.


Il nous reste ensuite à bien suivre les balises du chenal de la baie de Kerogan envahi par la vase contre laquelle lutte sans fin la vieille drague : la "marie salope".

L'Odet se resserre à nouveau pour reprendre figure de rivière avec la particularité de ses nombreuses anses et la richesse de ses rives boisées

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entrecoupées d'échappées sur ses magnifiques chateaux et manoirs, jusqu'aux vire-courts. je ne vous en montre que quelques uns ci dessous, vous pouvez en voiture suivre la "route des chateaux" pour admirer ces propriétés dont certaines peuvent vous accueillir.:

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A vrai dire, dans ma jeunesse, ces chateaux ne nous intéressaient pas beaucoup. Mes grands parents ont acheté quelques tableaux et meubles lorsqu'un chatelain ruiné organisait une vente aux enchères, et mon père rencontrait parfois un châtelain venant vendre ses légumes ou ses plantations en ville.



PROMENADE DANS LES VIRE-COURTS



Pour faire connaissance avec les vire-courts,

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il suffit de rapporter ce qu'en dit la Revue "Les Cahiers de l'Iroise" de 1962, sous la plume de Louis OGES :

".... Plus loin, sur la rive gauche, nous arrivons à la Chaise de l'évêque "(kador an escop), sorte de trône de pierre accosté de deux tabourets. L'évêque de Quimper venait jadis s'y asseoir, accompagné de deux chanoines; il se livrait aux plaisir de la pêche, tandis que, pour le distraire, ses compagnons lui racontaient de croustillantes histoires."

Au sortir des "vire-court", à babord, se situe le "trou a feu" où, vers 1815, échoua un navire chargé de chaux vive. Une "déchirure de la coque mit l'eau au contact de la chaux : le "navire prit feu ; l'incendie se prolongea pendant plusieurs "jours...."

A tribord, dans cette petite anse, se blotti le minuscule port de Rossulien, témoin de mon enfance que je relate dans mes "Diableries" et dont la cale se désagrège actuellement sous la force des courants, car non entretenue.

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Les Girondins, cachés dans la région de Quimper; "embarquèrent à bord du voilier "la Diligente" qui les conduisit à Bordeaux. "Leur tête, mise à prix, devait bientôt tomber sous le couperet "national.

"A peu de distance de la rive, invisible derrière les grands "arbres, se cache le manoir de Rossulien." je vous joins une photo de ma grand mère paternelle et de sa fille, prise dans le parc de ce manoir.

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Dans le deuxième vire-court, près de la "tour à feu", "au point culminant des deux éminences qui dominent les berges, les archéologues ont retrouvé l'emplacement des postes de guet des tribus primitives établies sur le plateau. De ces belvédères elles surveillaient la vallée pour signaler, de loin, l'approche des vikings et autres pirates normands, remontant de la mer dans leur curachs de peau de bêtes."

Dans l'anse de Keraval,"dans le vallon près du chateau, débouche le "dour ru" (ruisseau rouge), teint, en 1490, du sang des Jacques révoltés, que les gentilshommes encerclèrent au pré voisin de la Bouexière,"Prat ar mil gof" (pré des mille corps), où la paysannerie fut massacrée".

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Dans les vire-courts, "le flot, emprisonné dans l'écran sylvestre, semble sans issue vers l'amont au temps des guerres de ma Ligue, les vaisseaux espagnol de Don Juan de Aguila, lieutenant général de sa Majesté catholique Philippe II, furent dupes de ce mirage. Ils virèrent de bord, croyant s'être fourvoyés dans un fjord sans issue." Quimper fut sauvé ....



UN PEU D'HISTOIRE :


En plus du site de Locmaria, emplacement de la cité d'Aquilonia, l'estuaire de l'Odet fut apprécié des gallo-romains. Sur les deux rives, ils bâtirent des villas et des exploitations agricoles. Ce n'est qu'en 1833 que les archéologues s'intéressèrent à ces emplacements sur les rives de l'Odet. Je ne cite que quelques lieux que nous rencontrions dans notre descente de l'Odet : Kerdour, Keraval, Lanniron, Lanroz, kerambleiz (référence aux loups), le Perennou, Rossulien...et combien d'autres... ils ont pu constater que les villas étaient encore plus nombreuses que les chateaux actuels et que toutes portent des traces d'incendie. Les Normands qui, à plusieurs reprises, remontèrent l'Odet, pillèrent et brulèrent Aquilonia ainsi que les demeures leur apparaissant sur les rives, faisant ainsi disparaître d'intéressants témoins d'une brillante civilisation.



QUELQUES LEGENDES DE L'ODET


En baie de Kerogan :

"On raconte que deux marins de Quimper, revenant en barque de Bénodet, échouèrenet de nuit, sur la vasière, en pleine baie. Maugréant contre le sort qui les immobilisai dans cet endroit sinistre, nos deux marins se couchèrent dans leur barque en attendant que la marée les renflouent. Soudain il entendirent des appels au secour tellement suppliants qu'ils se risquèrent, malgré la peur, à regarder autour d'eux. Au fond de la baie, ils virent une barque lumineuse, "montée" par cinq hommes vêtus de "cirés" blancs parsemés de larmes noires. Ces hommes tendaient vers eux leurs bras décharnés. Comprenant aussitôt que c'était des âmes en peine de quelque équipage péri en mer,ils les interpellèrent : "Que désirez-vous ?". Alors, celui qui paraissait être le patron, de répondre : "Faîtes dire 5 messes, tous les jours, les 5 jours suivants, par Monsieur le Recteur de Plomelin, devant une assistance de 33 personnes, c'est la condition de notre salut". Puis la barque disparut. Nos deux marins s'empressèrent, la marée venue, de s'acquiter de leur mission. Après les 5 jours ils revinrent, de nuit, sur les lieux et revirent les 5 formes blanches mais sans les larmes noires, qui leur crièrent trois fois : merci en breton = "trugare", avant de disparaître.



Yann an aod :

Comme partout en Bretagne, plusieurs légendes sont nées. On vous racontera, pour vous faire dresser les poils à la veillée, celle de Yann-an-aod (Jean de la Rive), le sinistre batelier de l'Odet, qui faisait passer la rivière aux âmes des Trépassés."Les nuits de tempête, lorsque le vent gémit dans les grands chênes, on entend ses "hou" "hou" que l'écho répercute d'une rive à l'autre. Seule une fuite précipitée peut sauver le passant attardé en ces lieux. Si le redoutable rôdeur des grèves réussit à le saisir, il lui brise les côtes entre ses bras puissants et le jette, pantelant, dans sa barque pour le précipiter ensuite dans les eaux profondes de la rivière."


Dans les vire-courts au Saut de la Pucelle :


Une autre légende concerne une roche abrupte

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qui surplombe la rivière après la cale de Plomelin. Tout le monde la connait sous le nom du "saut de la pucelle" et je me dois de la rapporter, toujours sous la plume de Louis OGES : "Un moine libidineux qui venait souvent quêter dans les parages, poursuivait de ses assiduités une jeune bergère qui gardait ses moutons dans le pré voisin. Un soir, au crépuscule, il apparut, les yeux brillants, et se fit plus entreprenant que de coutume.La jeune fille, qui ne se souciait guère de connaître les étreintes passionnées du moine, s'enfuit, légère comme une gazelle. Mais la rivière lui barre le passage. Elle entend derrière elle le souffle rauque de son poursuivant.Plutôt mourir que de tomber entre ses mains... Elle pose son pied sur la roche au sommet aplati qui domine l'Odet, et, d'un bond prodigieux, franchit la rivière, large en cet endroit de plus de 40 mètre. Elle atterrit, saine et sauve, sur la rive opposée, où un tas de feuilles mortes se trouva fort à propos, pour amortir sa chute. Le moine n'osa tenter un pareil saut. Il se jeta à l'eau en vue de rejoindre l'objet de sa flamme dans les bois de Boutiquery. On dit que les eaux glacées de l'Odet refroidirent son ardeur. Il fit demi-tour, et, l'oreille basse, s'en revint.... où le devoir l'appelait." Pierre Allier, qui signe ici P.A.B., précise que le moine serait un templier rouge : "...le ravisseur,ivre de sa poursuite, son manteau d'écarlate au vent, se précipitait, tête baissée. Le lourd templier fut englouti dans un tourbillon qui évide encore la nappe bouillonnante."

Le rivage de vire-courts est plein de ces tourbillons impressionnants. Je les évitais lorsque mon père me confiait la barre du "Joyeux" bien qu'il me recommandat de frôler les rives pour couper au plus court. J'avais l'impression qu'ils allaient aspirer le bateau et ils me faisaient penser au maelstrom de Jules Vernes dans 20.OOO lieux sous les mers....



EXTRACTION DE MAERL


Pierre ALLIER nous invitait, sur les quais : "Traversons la chaussée pour venir respirer sur la berge, le parfum du grand large qui s'échappe de ces hauts tas de sable". Dans mes cartes postales j'en ai trouvé qui illustrent les années d'extraction de maerl au Glénans. On a arrêté cette extraction mais trop tard, le mal était fait. J'ai vu la grande plage de Bénodet victime de ce fait : le sable en descendant laissait apparaître les fondations des cabines de bain en bois qui faisaient le charme de la plage. On aurait dit les dents déchaussées de vieillards.

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Quelques anciennes cartes postales rappellent le transport de ce sable qui amendait la terre acide.

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AUTRES ACTIVITES VECUES DANS L'ODET

Le vin

Dans l'entrée de la baie de Kerogan, ou "ledanou", j'ai connu le port du Corniguel, ouvert depuis avril 1950,géré par l'entreprise NADER, qui importait du vin d'Algérie.

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Les pinardiers disposaient de quelques cabines pour passagers qui souhaitaient faire un tour dans notre (encore) colonie. On racontait dans Quimper que parfois on trouvait le cadavre d'un bouc dans les cuves.... je ne pense pas que ces rumeurs aient freiné le débit des amateurs de 12°. Cette activité de transport de vin est attestée sur les bords de Kerogan par l'appellation "porz gwin" ' (port au vin).
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Les médisants prétendent que les goélettes chargées de fûts gascons et expagnols avaient coutume d'y faire relâche avant d'accoster Quimper. L'eau de la fontaine toute proche pourvoyait au remplissage des fûts entamés par la soif de l'équipage.



la pêche

Dans les environs de Plomelin, nous allions dans une ferme ou, à la saison, les cerises étaient à notre disposition moyennant quelques francs. Le valet de ferme, un peu ... ou beaucoup braconnier n'hésitait pas à se procurer son poisson en utilisant de l'explosif, ce qui lui permettait de faire des pêches miraculeuses.Il lui suffisait de ramasser les poissons, ventre à l'air, flottant sur l'Odet. Il nous faisait goûter des huitres qu'il ramassait, vestiges d'anciens élevages. Je n'appréciais pas ces molusques énormes qu'on appelait "pied de cheval". C'était écoeurant.... Par contre, on lui achetait des "rosés" qu'il cueillait au petit main dans les prairies environnanes, dans des endroits connus de lui seul....



CONCLUSION :

Voici donc un petit survol de mes connaissances sur l'Odet, agrémenté de photos ou vieilles cartes postales trouvées dans l'album de ma grands mère Maria LEVENEZ. A vous de le compléter par les documents plus récents, nombreux et plus colorés, que les offices de tourisme pourront vous procurer. Une petite promenade en vedette ou en canoé n'est pas non plus à négliger, mais, pour ressentir toute l'atmosphère de ce lieu, je pense que rien ne remplacera une virée en bateau comme j'ai eu la chance de le faire pendant plusieurs années.