Le Gouren (lutte bretonne en breton),jeu celtique qui nous revient en force, fut amené en bretagne par les émigrés de GrandeBretagne au Vème S.
Le premier championnat interceltique eut lieu sous le règne de François 1er. Il opposait des lutteurs breton à d'autres venus du Pays de Galles. Les Bretons l'emportèrent.
Au XVème siècle, les lutteurs de Bannalec participaient déjà à des tournois avec leurs rivaux de Scaer et de Rosporden.
Le Duc de Bretagne, Jean V et sa cour aimaient assister à ces tournois ou deux hommes aux mains nues s'opposaient en un combat loyal où toute traitrise était sévèrement sanctionnée. Pour les besoins de son armée, ce Duc dépêchait dans notre région ses sergents recruteurs afin de s'assurer le concours de nos solides athlètes
Une chronique de M. de Fleuranges conte, comme en 1520, au cours de l'entrevue du "Drap d'Or", François 1er voyant les Anglais vainqueurs à la lutte, regretta de n'avoir pas songé à leur opposer des Bretons, Henri VIII avait amené des lutteurs Cornouaillais.
Le roi de France battit le roi d'Angleterre : Un jour, dans une de ses joutes, le roy d'Angleterre print le roy de France, François 1er par le collet et lui dict :"Mon frère, je veulx lutter avec vous"
Jusqu'à la Révolution les luttes continuèrent à passionner nos ancêtres et d'après les écrits de Cambry, en 1794, "les Bretons l'emportaient dans ces exercices sur toutes les nations du monde"
A partir du 19°S., la lutte tend à décliner et son aire de pratique se limitera à la Basse Bretagne.
Le combat ne peut commencer sans le serment prèté par les lutteurs, en levant la main droite. C'est une profession de foi, une illustration parfaite de l'esprit chevaleresque du peuple celte.
Kan 1 : Ni a zo paotred taer Breizh-Izel
A gar ho mam-bro dreist pep tra
N'eus na mor, n'eus na tan na brezel
Hag a vez kab d'ober dimp krenan
Diskan : Paotred Breizh, gourenerien dispar (bis)
Paotred Breizh, n'eus den' vit o diskar.
Kan 2 : Ar Vreizhiz,a viskoash da viken,
A zo digabest ha divlam,
N'aus breman na pagan na kristen
Hag a vez kab da reiñ dimp ul lamm.
Kan 3 : Gourenomp ha kanomp gant kalon
evel hon tadou-kozh gwechal.
Pa a oa trec'h ar Vreizhiz d'ar Saozon,
Ha pa oa Breizh tre'hourez Bro-C'hall.
(Erman BERTHOU)
Pourquoi mon intérêt pour la lutte bretonne ? Habitant Quimper et fréquentant les rives de l'Odet, je connaissais le pardon annuel des lutte à Gouesnarc'h, près de la chapelle de Saint Cadou.
Vous vous souvenez peut être de sa famille qui a défrayé la chronique du fait que son père avait donné des prénoms bretons à ses autres enfant (ex: Gurun, sklerigen, Garlon etc..).>
Mais revenons à la lutte en citant quelques paragraphes de Louis Le Guennec dans "Choses et Gens de Bretagne" : "Les luttes en l'honneur de Saint Cadou était la grande attraction des fêtes. La jeunesse de Gouesnarc'h s'y mesurait, sans trop de désavantage, avec les redoutables champions de Scaer et de Melgven. et l'on voyait
Toujours à Gouesnarc'h, Louis Ogès décrivait les luttes au temps d'avant guerre : "La veille du pardon, au son du biniou, dans un pré non loin de la chapelle,la foule est rangée en cercle. Les lutteurs sont rassemblés, en corps de chemise et la tête nue sous l'ardent soleil.Ils vont bientôt se disputer les prix : Un mouton bien gras que chacun vient soupeser, des chapeaux, des turbans, du tabac etc..
La tradition du maout avait été contestée devant le juge de proximité de Brest par l'association parisienne de défense des animaux. Celle ci demandait l'application de l'ordonnance 2000L14-4 du Code Rural qui interdit l'attribution en lot ou en prime, de tout animal vivant, en dehors des animauxd'élevage, lors de fêtes, foires et concours.Pour éviter celà, deux députés du Finistère Christian Ménard et des Côtes d'Armor Marc Le Fur,ont fait voter un amendement "gouren" au Code Rural, élargissant aux "manifestations sportives, folkloriques et locales traditionnelles" l'autorisation de remetttre un animal vivant.La pratique du maout était sauvée !!
Les champions se prennent la main en signe de courtoisie puis, corps à corps, leurs têtes se touchant, liés comme un noeud de fer, ils s'usent en longs efforts jusqu'à ce que tous deux roulent sur le gazon et que touchent terre les épaules de l'adversaire.
Voici un texte du sermon d'un recteur cornouaillais, paru dans "Le National" en 1831 :... j'ai deux avis à vous donner .... le second, et c'est le plus important, c'est de ne point aller samedi prochain voir les luttes de Saint Cadou. Ces assemblées, mes chers frères, ne sont pour vous que des occasions de pécher. Je vous déclare que vous n'en reviendrez pas sans être chargés des sept péchés mortels... Ces réunions sont des réunions diaboliques, le diable s'y montre sous toutes ses formes. Je vous le dis, en vérité, toutes personnes qui iront aux luttes de Saint Cadou ne seront que voleurs, des débauchés et de la canaille, qui grilleront en enfer pendant l'éternité....."
Pour qui connait la puissance de l'Eglise en Bretagne, il fallait une bonne dose d'impiété ou d'inconscience pour oser braver pareil châtiment.
Le poète Brizeux, qui avait un vrai culte pour les coutumes bretonnes, a immortalisé les luttes à Scaer :
"Scaer, où les anciens jeux sont toujours honorés
"Et qui, à dimanche au milieu de ses prés
"Dans les beaux soirs d'été voit sa mâle jeunesse
"Exercer, sous le ciel, sa force et son adresse"
La revue Mouez Breizh cite les meilleurs lutteurs de Scaer : BOURC'HIS, LE DEZ, NAVELLOU et TOULGOAT. Le grand pardon de Skaer, avec gouren et courses de chevaux, se situe à la Saint Alain :
"An amzer zo bet tomm, ar zegal hag ar c'herc'h
"Evit gouel Sant Alen zo klozet e pep lec'h;
"Skourret eo ar freilhou da c'hortoz an eost du :
"E Pardon Zant Alen e vo tud a bep tu.
"Daou vaout ha pemp tok gloan, mouchourion ha butun
"Vo c'hortoz o ferc'henn e bourc'h Skaer benn dilun..."
Traduction :"La saison a été chaude, le seigle et l'avoine ont été ramassés partout avant la St. Alain; Les fléaux sont suspendus en attendant la récolte de blé noir : il y aura par conséquent du monde de toute la région au Pardon de St Alain."
Guillaume Kergourlay, dans son livre "Bro Eliant"(Pays d'Elliant", nous éclaire sur le gouren tel qu'il était pratiqué dans son pays, tout au long de l'année et non seulement au moment d'un pardon : "dans les prés, les dimanches en été, ou quand à plusieurs on gardait les vaches, on se mesurait d'homme à homme. Si deux jeunes gens étaient en présence, il fallait les voir s'affronter... Le lutte a lieu à bras le corps, les hommes, pieds nus, portent des vêtements amples et flottants, Ceux ci doivent être solides pour résister aux assauts et aux fortes prises, pour celà ils étaient en chanvre. On doit se mesurer debout. Si l'un des protagoniste est obligé de lacher prise ou à perdre l'équilibre en touchant terre, il n'est pas pour autant battu : il perd un point tout simlement et peutrecommencer la joute. Ce qui rend beau et noble ce combat, c'est faire chuter l'adversaire en soulevant son corps du sol et en le projetant en l'air afin qu'il se trouve d'un seul coup les deux épaules collées à terre. On dit alors qu'il ya "lamm" et l'adversaire est éliminé.
L'adresse, la souplesse, la ruse, la vivacité du corps et de l'esprit sont les qualités de compétition qui m'emportent toujours sur la force.
"an taol biz troad" (le coup de l'orteil-fauchage latéral); "an taol korn raer" (le coup du point du cul-prise de hanche); "an taol kliked sonn" (le cou du croc en jambe, entourage de jambe), sont les coups et techniques de base qui font le lutteur breton. Si chacun use de ses secrets, ils ne sont jamais déloyaux : la lutte a lieu debout et en celà c'est un sport de nobles.
Voici un petit lexique du gouren : Pallen : tapis de combat - lieu des luttes : en plein air sur des pistes de sciure de bois, la lice : "ar lis" et maintenant en salles ou en plein air.
TENUES : pieds nus - Roched : chemise - Bragou : pantalon court -
- en 1836, E. SOUVESTRE reconnait les lutteurs à leur costume particulier : ils sont vêtus d'un pantalon et d'une chemise de grosse toile qui leur serrent le corps de façon à ne laisser aucune prise. Leurs longs cheveux sont liés sur le sommet de la tête par une torsade de paille.
- en 1911, les photos montrent que les lutteurs portent un pantalon long et une chemise de travail.
- Entre 1920 et 1945, la tenue se compose de 3 pièces : le turban; la culotte de sport et la chemise. Le turban dont le rôle est de maintenir la partie inférieure de la chemise dans la culotte, présentait le grave inconvénient de se desserrer au cours du combat, ce qui obligeaient les lutteurs à s'arrêter au milieu de leur effort pour rectifier la tenue. La chemise avait une échancrure du col d'importance variable et certains lutteurs l'ont même fait atteindre la ceinture.
- aujourd'hui : le lutteur est pieds nus, en culotte de sport et chemise de lutte en forte toile écrue avec une ceinture au niveau de la taille.
VOCABULAIRE : Prest oc'h : le début du combat - Krogit : les 2 lutteurs se serrent la main avant le combat afin de confirmer le serment d'honneur prêté par tous avant le début de la compétition
- Lamm = la chute de l'adversaire sur les deux épaules - Fazi = faute - Kein = avantage - Diviz = décision - Kouezh = 1er tombé -Dilez = abandon - divrud = disqualificion - Et Ehan = arrêtez - Diwall = avertissement (attention!) -E-Kreiz = au centre - Kostin = la chute sur une épaule - Kein = la chute sur le bas du dos - Netra = autre chute - Dibenn = fin du combat.
Il y a eu de nombeux groupes de lutteurs comme les lutteurs marins à Brest, ou les lutteurs militaires pendant la guerre de 14/18 etc...
La FALSAB (Fédération des amis des luttes et sports athlétiques bretons) a homologué le gouren sous la Direction du Docteur Cotonnec : la durée du combat est de 20 minutes sans interruption, les points comptant depuis le début de la lutte. S'il n'y a pas de lamm, le vainqueur est déclaré aux points (un point pour chaque attaque poussée à fond et donnant un résultat proche du lamm. Est considérée comme faute la brutalité. Les catégories ont été bien déterminées ce qui n'existait pas du temps de rené Scordia. Serge fALEZAN a bien voulu me renseigner sur une prise dont j'avais entendu parler dans ma famille : "le lamm à la SCORDIA" : "Le lamm à la Scordia était le résultat d'un kliked arrière qu'il était un des seuls à exécuter de façon quasiment parfaite."
Les fiefs actuels du gouren sont Fouesnant, Scaer, Guiscriff, Gourin, Berrien, Scrignac, Belle Ile en Terre, Lannion, Lorient et ... Paris. J'ajouterai Bégard avec son école de 80 élèves crée par Serge Falezan, Président du Comité Départemental des jeux de force bretons.
Dans les journaux régionaux on fait état, tous les jours, des championnat, classes, ouverture d'écoles de gouren. Les hommes ne sont plus les seuls à participer, les femmes y ont leur place ainsi que les benjamin, ex : à Pleumeur Bodou, le cours de babygouren, enfants de 4 à 6 ans avec de nombreux lutteurs et lutteuses.
A Cavan j'ai pris quelques photos d'une démonstration de gouren par des enfants et des femmes :elles sont sur Piwigo dont l'accès se trouve au bouton : Ma galerie de photos. Galerie photo
La Bretagne, séniors femmes et hommes, remettra son titre en jeu, du 25 au 27 avril à Reykjanesbear (Islande)à l'occasion du championnat d'Europe de luttes celtiques (gouren (lutte bretonne; Back Hold (lutte écossaise) et en Glima(luttes d'Islande). En 2017 la Bretagne avait réalisé le doublé homme/femme à Bruck (Autriche)
Le gouren intéresse les artistes actuels, pour preuve deux tableaux de Barbara le PAPE de Perros Guirec :